Dessins de Greg Capullo
Parution aux USA le mercredi 29 avril 2015
Voici un numéro qui sera sans doute perçu de façon clivante, tant il y a d’un côté l’histoire qu’il raconte et de l’autre ce sur quoi il débouche. C’est le dernier chapitre d’Endgame et le Joker a décidé de la jouer « No More Mister Nice Guy » si c’est possible, saccageant non seulement la ville mais aussi le mythe de Batman. Au point d’en exposer certains talismans (le dinosaure de la Batcave, par exemple) et de les détériorer à volonté. Le Joker de Snyder, à mi-chemin entre ceux d’Alan Moore et de Grant Morrison, est insondable, dresse ses propres légendes avec un Batman qui lui, ces quarante derniers épisodes, a largement été mis à l’amende. Le Bruce Wayne de Snyder souffre, peine, ne connaît pas tout, hésite… Et pourtant dans ce numéro Snyder nous montre qu’il a beau l’humaniser, le fragiliser, il n’en reste pas moins véritablement Batman. C’est-à-dire qu’il n’est pas autant à la traîne que l’on pourrait le croire et qu’il lui reste toujours un stratagème. Le Joker est-il le plus farceur du monde (ou en tout cas de Gotham) ? Ou bien la dernière blague revient-elle à un Batman qui, remportant une victoire à la Pyrrhus, se permet une dose d’humour forcément noir ?
Bien entendu Greg Capullo nous nappe tout celà dans une narration visuelle à la fois percutante et variée, qu’il s’agisse des rues de Gotham ou des recoins de cavernes oubliées. Si l’équipe créative reste finalement au-delà de ce Batman #40, l’épisode aurait pu faire une très bonne fin de run, avec les fondamentaux de Batman tombés en morceaux et les pistes esquissées (les nouveaux héritiers que sont Julia, Bluebird ou d’autres) pour lancer les dés dans une autre direction. Malheureusement, il me semble que les auteurs font une erreur en baissant le rideau un peu vite sur ce qui se passe au fond de la grotte. Sachant que le lecteur de comics, lui, n’en est plus à admettre ce genre de situation s’il n’y a pas au moins une dépouille. L’autre regret que j’ai, c’est l’absence totale de Damian. Dans son interview dans Comic Box #94, Snyder explique pourquoi il n’aime pas utiliser le personnage. Et je peux comprendre ses arguments. Mais enfin à un moment il faut savoir si l’on écrit Batman ou pas. Et le fait que le fiston soit totalement absent de la conclusion laisse quand même pantois. Je pense aussi au pauvre Peter Tomasi qui, en bout de ligne, sur Batman And Robin, se ramasse toutes les retombées scénaristiques, les décisions prises par d’autres, et n’as pas le luxe, lui, de les ignorer. Au moment où va se poser une grosse question d’héritage et de lignée, faire sans Damian est un peu « gros ». Damian et Julia, par exemple, existent dans deux mondes différents, s’ignorent, ne se croisent jamais ou presque… Je veux bien qu’on me dise que maintenant la continuité n’existe plus chez DC mais enfin tous les Bat-titres participent régulièrement à des arcs partagés (Zero Year, Death of the Family…). Que dans une série Batman ait un fils et que dans l’autre on oublie ce « détail » », c’est gênant… Ca n’aurait pas coûté grand-chose de l’intégrer au moins via une mention. Mais la vérité – et ce qui a mon avis handicape ce qui par ailleurs aurait été un épisode magistral – c’est que le Batman de Snyder n’est pas un père. Il ne prendrait pas ce genre de risques, n’aurait pas ce désintéressement envers son propre sort s’il avait par ailleurs des responsabilités paternelles, un fils à revoir. Si Damian n’est pas là, ce n’est pas simplement parce que Snyder n’aime pas le personnage (c’est son droit) mais parce que cette pièce n’entre pas dans son puzzle. Et comme on cache sous le tapis cette part du patrimoine de Batman que l’on est incapable de gérer (la paternité plus que le fils en lui-même), cela m’empêche de partager totalement ce qui aurait été par ailleurs un excellent « last laugh » pour Batman et/ou le Joker…
[Xavier Fournier]
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