Avec « Die », Kieron Gillen et Stéphanie Hans prennent, en apparence, le risque d’un titre peu explicite. « Meurs! », en effet, peut sembler une expression passe-partout (d’ailleurs Image a publié ces derniers mois un Die! Die! Die! » qui n’avait aucun rapport). Mais ça, ce sont les apparences. Dès qu’on a parcouru les premières pages de ce nouveau creator owned, on comprend toute la subtilité de l’expression, le jeu de mots de base et ce regret doux-amer de personnages qui font le bilan d’une vie ratée parce que, dans leur enfance, ils ont fait un faux pas. Die, c’est un peu Jumanji qui aurait mal tourné…
Scénario de Kieron Gillen
Dessins de Stéphanie Hans
Parution aux USA le mercredi 5 décembre 2018
Pour les protagonistes de Die, tout bascule quelques années plus tôt, lors d’une soirée anniversaire qui a mal tourné, quand quelqu’un a proposé de jouer à un jeu étrange. Une partie qui a dégénéré en vraie tragédie. Qui plus est, la magie force les protagonistes à ne plus parler de l’incident. Les voici donc vieillissent, qui deviennent adultes, se marient, divorcent, se remarient… tout en étant hanté par cet événement traumatique, surnaturel, dont ils ne peuvent parler à personne (qui plus est, s’ils le pouvaient, personne ne les croirait). Jusqu’à un autre soir où un signe étrange vient à nouveau leur signifier que la partie n’est pas terminée. Vous avez vu au moins l’un des deux films Jumanji ? Bien. Maintenant imaginez que l’on joue avec le montage, que l’on vire pratiquement toutes les scènes qui traitent de « l’autre monde », qu’on ne garde que les moments où les gamins disparaissent de la réalité et qu’ils y reviennent… en ayant laissé derrière l’un des leurs. Vous passez d’un coup d’une comédie familiale à quelque chose de carrément plus angoissant, à base de références aux jeux de plateaux. De Jumanji, on bascule vite à une angoisse digne de The Ring. Il y a de la fascination dans Die, mais aussi, à part égale, de la mélancolie. Au premier degré il y a ce traumatisme de ce qui est arrivé aux personnages. Au second, la parabole parlera sans doute à quelques lecteurs qui, arrivés à la trentaine ou à la quarantaine, se demandent ce qu’ils ont fait de leur vie et où est passé leur jeunesse.
Le talent de Gillen et de Hans, sur ce coup-là, c’est de nous mettre en immersion avec les états d’âmes des personnages avec beaucoup d’explications, de moments d’exposition, tout en mettant de côté, en faisant des ellipses, ce qui pourrait ressembler à une scène d’action (encore que le cliffhanger semble en promettre plus d’une pour la suite). C’est un comic-book où ça cause, où ça présente les personnages en prenant son temps. Mais où on ne s’ennuie pas. Pour le coup, ce n’est pas tous les dessinateurs de comics qui arriveraient forcément à animer ainsi un épisode où aucun type en cagoule ne passe son poing à travers le mur. Peut-être parce qu’elle est d’une sensibilité sans frontière (bien que française, l’artiste passe une bonne partie de l’année à courir les salons à l’étranger, que ce soit aux USA ou en Asie), Stéphanie Hans s’acquitte très bien de cette forme atypique, ses effets de couleurs véhiculant les états d’âmes des personnages. Si ce n’est que le démarrage et si la fin de l’épisode annonce, déjà, un changement sévère des « règles du jeu » (jeu de mots assumé), l’intérêt est piqué et on se demande vraiment ce qui peut arriver aux protagonistes. Et qu’est-ce qui serait pire ? Vieillir ou retourner dans cet autre monde où, tout en risquant la mort, leur vie a un autre goût ? Bien loin des « one-liners » et des péripéties faciles, Die trouve d’emblée une place et un ton bien à part. Et, sérieux, s’il y a un éditeur de jeu un peu malin qui lit ce comic-book ou, à défaut, cette chronique, il est déjà en train de taper un mail aux deux auteurs pour obtenir les droits dérivés (faîtes cependant attention à ne pas mettre du sang partout pendant les parties).
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