Dessins de Fiona Staples
Parution aux USA le mercredi 27 avril 2016
J’évoque assez rarement ici les tribulations des héros de Saga. Ce n’est pas que je ne suis pas cette excellente série mais bien qu’à mon sens elle fait partie de ces œuvres qui se jaugent plus sous la forme de recueil, là où le format fascicule, souvent, a un effet bande-passante. Mais là, l’occasion est belle, avec un épisode charnière qui sonne, je le disais, comme la fin d’une saison. Et là on reconnaît particulièrement la patte de Vaughan, qui joue même avec les nerfs de ses lecteurs et lectrices. Est-ce que Marko arrivera à libérer sa fille ? Pas si cette intendante va d’abord répondre au téléphone. Est-ce que The Will obtiendra sa revanche, même si pour cela il lui faut se défouler sur un autre enfant ? Pas si un gardien en apparence insignifiant est plus dangereux qu’il y paraît. Encore et toujours, Saga, c’est de la poésie, un jeu sur les apparences, où ce qui est désuet est en fait d’une modernité éclatante, où les personnages les plus mineurs ont le moment de gloire et où les grandes figures doivent régulièrement apprendre, elles, l’humilité. Tout ce qui fait le sel de Saga, c’est que les choses ne sont jamais ce qu’elles semblent, que les plans simples dégénèrent en quelque chose de plus compliqués. Surtout, là où beaucoup de scénaristes ont tendance à ne s’intéresser qu’à la structure de leur histoire, Vaughan se souvient que dans la vraie vie il y a des choses (parfois des détails mais d’autres fois des nouvelles qui changent la vie) qui tombent au moment où l’on ne s’y attend pas. Et là, clairement, c’est ce que nous réserve la dernière page. Un événement simple, qui tombe au moment où les héros ne s’y attendaient pas mais qui va singulièrement changer leur parcours.
« Don’t worry, your beast is just unconscious. »
Que dire, arrivé au #36, des dessins de Fiona Staples ? Bien entendu qu’ils sont une partie essentielle du show, même si le cadre est maintenant bien établi. D’ailleurs j’ai l’impression que cela fait école et qu’on retrouve ce condensé d’influences anachroniques empruntées au manga ou à la BD vintage dans des séries des « big two », que la régularité, le sens du design de Staples sur Saga fait véritablement des petits de manière officieuse. Parfois on est dans le « mignon », d’autres fois dans le « dangereux » mais dans la même case, comme si Staples était une Jérôme Bosch moderne. Clairement, elle n’a pas prévu de baisser les bras en si bonne route. D’ailleurs, comme expliqué dans les pages éditoriales, Saga va marquer un peu le pas pendant quelques mois, histoire de revenir en forme. Un moyen de tenir ? Ce sera sans doute pour beaucoup d’entre nous l’occasion de se relire la série telle qu’elle est parue à ce jour pour la redécouvrir avec du recul !
[Xavier Fournier]
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