La Table Ronde : Joe The Barbarian #1

[FRENCH] C’est le jour de La Table Ronde ! Chaque vendredi, la discussion d’une partie de l’équipe après la lecture d’un comic-book paru le mercredi précédent aux USA. Autrement dit la retranscription d’une discussion façon « autour de la machine à café » sur ce que certains d’entre nous ont pensé d’un comic de la semaine. Aujourd’hui : Joe The Barbarian #1. ATTENTION. SPOILERS WARNING : Ce débat concerne un comic-book qui a été publié aux US et, pour les besoins de la discussion, nous partons du principe que seuls ceux qui l’ont lu (ou ceux qui n’ont rien contre les spoilers) sont susceptibles de la consulter. Si vous n’avez pas encore lu l’épisode en question, pas de panique, attendez d’avoir pu le parcourir. Cette page vous attendra au même endroit… Si vous passez cet avertissement, c’est en toute connaissance de cause…

Pierre Bisson dit : Le débat du jour c’est Joe the Barbarian #1 par Grant Morrison et Sean Murphy, publié cette semaine chez Vertigo… Je n’ai pu m’empêcher de penser à 1985 de Millar

Antoine Maurel dit : Pareil. La comparaison semble impossible à éviter. Et Morrison a intérêt à s’en écarter vite, à mon humble avis. (Mais attention, chut, car voilà l’autre…) 😉

Xavier Fournier (revenant en courant, la tasse à la main) dit : Ah ben merci, je vois qu’on allait commencer sans moi, pas le temps de se faire un café, belle mentalité  ! Alors c’est certain, oui, 1985… Mais je pense qu’il faut aussi parler de la présence graphique de Sean Murphy qui joue un peu dans le rapprochement…

Antoine Maurel dit : Certes. Très belle prestation, d’ailleurs, le Sean Murphy !

Xavier Fournier dit : Murphy, c’est un peu des personnages qui tiennent de ce que faisait Chris Bachalo dans sa phase Vertigo MAIS avec une scénographie qui m’a fait penser en plusieurs endroits à du Tommy Lee Edwards…

Pierre Bisson dit : C’est certain. Xav, peux-tu nous en dire plus sur le personnage ? Joe the Barbarian…  est-ce une licence pré-existante ?

Xavier Fournier dit : OK Pierre. Alors, Pierre, c’est effectivement une sorte de version post-Crisis d’un personnage très connu dans le golden age… Enfin là normalement nous devrions avoir deux ou trois lecteurs en train de s’étouffer et de s’arracher les cheveux en ce demandant ce que je raconte… Je m’explique… Non je ne suis pas devenu totalement fou et, non, il n’y a pas eu de Joe The Barbarian du Golden Age… C’est du creator owned… MAIS à ce stade et vu ce qu’on en voit dans le premier épisode on peut se demander si, outre 1985, Joe The Barbarian n’est pas un peu le Little Nemo de Grant Morrison (et je dis ça comme un compliment)… Le coup du gamin qui vit ses aventures depuis son lit…

Antoine Maurel dit : Ah oui, tiens, bien vu. Je n’avais pas capté la référence mais maintenant ça paraît assez évident.

Xavier Fournier dit : C’est toute la problématique de ce premier numéro: est-ce que le personnage est projeté dans son imagination (et alors on est dans Little Nemo) ou bien est ce qu’il la matérialise (et alors on est dans 1985).

Antoine Maurel dit : Enfin la comparaison avec 1985 tient pas mal, du fait qu’on interroge les rapports d’un gamin de 14 ans, a priori un peu mal dans sa peau, avec la fiction existante. J’entends par là que Nemo vit des aventures dont il « invente » le contenu, alors que, dans 1985 comme Joe the Barbarian, ça fait référence à de la fiction connue des lecteurs (Batman, les Transformers, etc)… Les compos sont vraiment bonnes, ainsi que l’encrage. Par contre, il est clair que le rythme est très lent. Typiquement, toutes les pages silencieuses qu’il passe sur la solitude du jeune héros sont excellentes. …

Pierre Bisson dit : oui, c’est vrai.

Antoine Maurel dit : Mais font qu’on lit un peu le truc en 3 minutes. En revanche, en TPB, ça devrait le faire à fond.  Ce qui, pour du Vertigo me paraît très cohérent, finalement. Sans oublier que ce premier numéro ne coûte qu’un dollar.

Pierre Bisson dit : J’ai d’ailleurs aimé le détournement de quelques licences, comme par exemple Ultimus Alpha qui fera penser à un autre robot très célèbre…

Xavier Fournier dit : Oui moi c’est la double page en elle-même que j’ai bien aimé…
Ce côté « soldats sur le retour »..

Pierre Bisson dit : Par contre, on est plus vite dans l’esprit « imagination » que dans 1985 où on se demandait si le garçon était fou ou pas pendant quelques numéros

Antoine Maurel dit : Ah parce que là tu ne te demandes pas s’il est fou ? C’est marrant, ça m’a fait l’effet inverse. Je trouvais la « crédibilité » du délire plus vite établie dans 1985.

Pierre Bisson dit : J’ai plus vu ça comme un Toy Story rencontre Alice au Pays des Merveilles à la fin

Xavier Fournier dit : Ou aussi « Where The Wild Things Are »… Une autre référence possible, quand on connait les marottes de Grant Morrison sur l’hyper-textualité, ce serait les délires de Julius Schwartz sur Terre 1 et Terre 2, qui faisait que le Flash de Terre 2 était un personnage dont les scénaristes de Terre 1 rêvaient… C’est à dire que rien n’empêche que le héros rêve de héros qui par ailleurs existeraient….

Antoine Maurel dit : Pas faux. Bref, au milieu de toutes ces références (plutôt flatteuses) la vraie question ne va pas tarder à être : quelle est la personnalité de Joe the Barbarian ? C’est le seul écueil dont Morisson doit se méfier. Là où Millar avait l’immense avantage de ne jouer « que » sur le Marvelverse. Après, on peut espérer que la série trouve vite son souffle personnel. Cela dit je ne suis pas de ces lecteurs prêts à accorder un blanc-seing d’entrée de jeu à Morrisondonc wait and see. Mais il y a du potentiel, clairement. Ne serait-ce que graphiquement.

Pierre Bisson dit : Comment ça « que sur le Marvelverse ? » Je ne vois pas ce que tu veux dire. tu parles des persos présents ?

Antoine Maurel dit : Ce que je veux dire, c’est que 1985 se concentrait sur les persos Marvel, et, l’univers étant cohérent, ça donnait d’entrée de jeu une personnalité au tout. Là, Morrison mixe plein de références de la culture pop. Ça risque d’être moins évident.

Xavier Fournier dit :
C’est à dire qu’on n’en est pas encore à savoir ce que la série raconte. Là c’est juste le décor qui est planté… Mais c’est vrai que dans 1985 tu perd pas de temps à expliquer qui est le Vautour par exemple. Là si les toys prenaient de l’importance il faudrait les installer comme personnage à part entière…

Pierre Bisson dit : Ah ok, Antoine, genre là tu penses qu’on pourrait aussi voir débarquer des persos comme Bugs Bunny, Porky ou Petunia Pig (après tout, DC appartient à Warner) ?

Antoine Maurel dit : Non, c’est même pas ça, pour moi. C’est que faire une parodie d’Optimus Prime, c’est bien. Mais il faudra que cette version parodique ait une vraie identité parodique de l’original. Que ce ne soit pas juste le robot de l’histoire. Ce qui me fait penser qu’il y a aussi un côté Magicien d’Oz.

Xavier Fournier dit : Puisqu’on en est à référencer les délires de ce genre, c’est un peu l’inverse du Authority #2 du même Morrison, où les personnages découvraient la vraie Terre et comprenaient qu’ils étaient des persos de comics… Même si elles ne font pas avancer forcément l’histoire j’ai bien aimé certaines splashes pages et doubles qui servent à installer l’ambiance. Comme quand le gamin se retrouve dans le cimetière, devant la tombe de son père…
Ça créé un cadre.

Antoine Maurel dit : Oui, cette double est bien. De toute façon, encore une fois (au risque de devenir lourd) la mise en scène est assez mortelle.

Pierre Bisson dit : Pour ma part, le gamin mal dans sa peau, c’est un peu redondant…

Antoine Maurel dit : Note que les héros sont rarement des gens pleins d’allant pour qui tout va bien. Encore moins à cet âge-là. Tu aurais plus de mal à justifier qu’il se réfugie dans un monde imaginaire.

Xavier Fournier dit : Disons qu’on en a vu beaucoup, c’est certain. Mais un gamin bien dans sa vie aurait-il besoin de s’échapper par ses rêves ?

Antoine Maurel dit : Je vois qu’on est d’accord.

Pierre Bisson dit : Oui sauf si les rêves voulaient le « punir » : genre le sale gosse qui doit devenir un « héros ». Ce serait sympa…

Antoine Maurel dit : Et puis bon le côté outcast peut aider à l’identification, sans trop jouer dans le cliché (je veux dire par là que la lecture de comics est p’tet pas le loisir le plus mainstream qui soit). D’ailleurs Morrison en est bien conscient, lorsque son perso traite ses antagonistes de cliché. En disant, en substance : « il y en a dans chaque histoire »

Xavier Fournier dit : Par contre j’ai trouvé la couverture pas terrible, mal composée… L’image vaut ce qu’elle vaut mais on dirait une étude du personnage tirée d’un carnet de croquis, avec le logo collé dessus qui mord sur la tête du personnage. J’ai trouvé ça très bizarre comme maquette et ça donne pas forcément envie… Disons qu’après avoir vu l’intérieur je me dis que Sean Murphy était capable de nous pondre une cover un peu plus intéressante…

Pierre Bisson dit : C’est certain

Antoine Maurel dit : Moué, c’est pas faux.

Pierre Bisson dit : Surtout que le cimetière sur le côté, c’est bizarre

Antoine Maurel dit : Les trames sauvent bien le truc.  Et, après avoir lu le contenu, la couv prend du sens.

Xavier Fournier dit : Oui, mais justement on peut reprocher à la cover de s’adresser au type qui a déjà lu le contenu… Ce qui est un peu paradoxal..

Antoine Maurel dit : Certes.

Xavier Fournier dit : Je reviens sur ce que tu disais sur le prix de cover Antoine. parce qu’à partir du prochain le prix de promo ne sera plus…

Antoine Maurel dit : Certes. Mais du coup, le côté « vol » d’un numéro qui se lit en 3 minutes est vachement atténué.

Xavier Fournier dit : La question c’est donc est-ce que sur un numéro deux plein prix tu suis ?

Antoine Maurel dit : Pour peu qu’il se passe des choses dans le prochain, ça reste un bon deal.
Bin si le prochain est aussi décompressé, non, je ne suis pas, j’attends le TPB.

Pierre Bisson dit : Pareil, mais c’est clairement le genre de série que je ferais en TPB

Antoine Maurel dit : Ne serait-ce que pour des questions de narration, j’ai la forte impression que ça se lira mieux dans ce format.

Pierre Bisson dit : Est-ce une mini ou une ongoing ?

Xavier Fournier dit : Mini en huit épisodes.

Antoine Maurel dit : OK, donc ué, TPB !

Pierre Bisson dit : Pareil

Antoine Maurel dit : C’est un no-brainer.

Xavier Fournier dit : Pas forcément… Je veux dire, voilà, j’ai lu le 1 et j’ai quand même envie de savoir ce que cache la conclusion de ce numéro, donc de prendre le 2 pour en avoir le cœur net…

Antoine Maurel dit : Oui, pareil. En sachant que si ça ne trouve pas sa voix personnelle dans le prochain, je ne serais même pas sûr de prendre le TPB.

Pierre Bisson dit : Tu nous diras ce qu’il en est

Xavier Fournier dit : Ah ben après oui, c’est le risque. Sur le 2 il va devoir prendre position… S’il s’avérait que c’est juste un Toy Story III, ça en calmerait plus d’un. Mais (ouf) j’y crois pas trop.

Antoine Maurel dit : Moi, encore une fois, j’attends de voir.

Antoine Maurel dit : Ce serait Millar, j’aurais confiance.  Mais avec Morrison, c’est un peu trop pile ou face pour que j’adhère a priori.

Pierre Bisson dit : Tu es bien médisant…

Xavier Fournier dit : Euh Millar, Morrison… Non, c’est pareil (enfin sur ce plan-là), ils ont tous leurs chef-d’œuvre mais aussi quelques casseroles. Le zéro défaut n’est pas de ce monde…

Pierre Bisson dit : Millar a parfois fait quelques fins un peu « flop »

Antoine Maurel dit : Non, c’est mon avis, hein. Les gens sont pas obligés de le partager.

Xavier Fournier dit : Enfin en lisant Joe The Barbarian #1, j’ai pas l’impression de m’aventurer dans un Final Crisis… Et c’est pas plus mal !

Pierre Bisson dit : ah ah

Antoine Maurel dit : …Mais Morrison, c’est plus un mec à qui je reconnais quelques belles réussites, qu’un gars dont je veux bien oublier quelques échecs.

Xavier Fournier dit : Donc deux TPB et un numéro 2 le mois prochain ou bien un seul TPB et deux qui tentent le 2eme fascicule ?

Pierre Bisson dit : moi j’attends ou je te piquerai le tien 😉

Xavier Fournier dit : ah non, si tout le monde fait comme toi je vais le retrouver tout patiné  En tout je pense pouvoir résumer en disant que quel que soit le support sur lequel on veut le consommer ça a piqué notre intérêt…

Antoine Maurel dit : Oui, voilà, piqué l’intérêt.

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