Dans les jours qui viennent, il sera sans doute de bon ton de voir principalement Captain America: Civil War sous le jour de la concurrence Warner/Disney à coup de qui a préféré lequel. Il faut dire que certaines questions similaires sont soulevées dans les deux films, en particulier les notions de responsabilité, de culpabilité, qui découlent des combats de super-héros. Pour autant il ne faut pas s’y tromper, confondre sujet et thème. Par exemple le sujet des X-Men c’est l’émergence d’une nouvelle race de surhommes et la constitution d’une école de surdoués mais le thème de ces mêmes X-Men c’est le racisme. Le fait est que dès le premier film Avengers au moins (puis à l’issue de Man of Steel), ce genre de films s’est fait attaquer sur sa tendance à représenter des destructions massives. Les deux studios ont clairement choisi de répondre à ces remarques, mais de deux manières différentes. Après qu’une mission des Avengers ait tourné court, la coupe est pleine. La dévastation de New York, le combat contre Ultron… Les gouvernements du monde entier demandent que les surhommes rentrent dans le rang. Iron Man et une partie du groupe sont disposés à se soumettre. Mais Captain America et quelques amis ne l’entendent pas de cette oreille, alors qu’en prime le Winter Soldier est peut-être retourné à ses activités meurtrières. L’univers Marvel compte ses personnages et, si Thor et Hulk ne sont pas de la partie, Ant-Man et les petits nouveaux, Spider-Man et Black Panther sont mis à contribution. Crêpage de chignon assuré.
Laissons pour l’instant cet angle « Warner v Disney » pour souligner que le nouveau film de Marvel Studios se mesure d’abord aux autres long-métrages déjà sortis par cette même société. Oui, le refrain « non mais tous les films de Marvel se ressemblent, il n’y a pas de marque des réalisateurs » est populaire en certains endroits. Mais il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et cet argument qui n’en est pas un est quand même bien pratique pour écrire à l’avance des critiques sur des films sans les avoir vus. Captain America: Civil War est un film Marvel, c’est certain. Mais pour autant il faudrait avoir un certain stock de mauvaise foi (ou des problèmes de vue) pour ne pas constater que la réalisation des frères Russo n’est très certainement pas celle de Josh Whedon pour Age of Ultron ou Shane Black pour Iron Man 3. On peut le voir assez largement dès les premiers combats, autrement chorégraphiés mais surtout dans la gestion des personnages. C’est à dire que le script et la réalisation jonglent avec plus d’une douzaine de personnages (les Avengers et alliés/ennemis mais aussi des protagonistes comme l’ex-général Ross, Zemo ou l’Agent 13) dans une cohésion qui est bien loin d’Age of Ultron et qui nous donne finalement le film Avengers que nous n’avions pas vu alors. On pourra alors reprocher à Civil War de ne pas être un film Captain America proprement dit. Mais en un sens il répond à des questions que nous étions nombreux à nous poser à la vision d’Iron Man 3 ou de Captain America: Winter Soldier. Pourquoi, devant des menaces importantes (deux coups d’état terroristes) Tony Stark et Steve Rogers ne prenaient-ils pas tout simplement le téléphone pour demander des renforts. Il y a de l’action, beaucoup même, mais chacun des personnages présents a son moment de présence, sa façon de s’exprimer ou de faire état de ses aptitudes. C’est important plus par exemple pour Wanda, qui avait à peine été « installée » dans Age of Ultron, sans qu’on sache grand-chose de sa personnalité. Vision, lui, passe sur un autre jeu qui consiste à tenter de passer humain plus que de raison et avec les moyens du bord. Dans Age of Ultron, Whedon n’était pas arrivé à gérer aussi bien les personnages… et il y en avait pourtant moins.
Dans ce contexte, il est évident que l’attention va aller vers deux nouvelles stars appelées à porter prochainement des films sur leurs propres épaules. D’abord il y a Black Panther, dont on nous glisse ici, en quelque sorte, les origines. Chadwick Boseman incarne un T’Challa imposant, qu’il vaut mieux ne pas défier… mais qui est aussi capable d’une sorte de prise de hauteur (on le verra à sa discussion avec Black Widow ou à une scène avec Zemo). Black Panther a la classe parce que le personnage qui porte le costume la dégage au naturel, avant qu’on le recouvre d’effets spéciaux. Il amène une typologie qui manquait à l’univers Marvel jusqu’ici, étant plus « régalien » que pouvait l’être Thor, en un sens. Du neuf aussi pour Peter Parker (Tom Holland), un gosse qui ne fait pas les 20 ans de l’acteur et qu’on prend le temps de nous présenter « en civil » avant qu’il rejoigne la mêlée. Ce n’est qu’une scène, mais elle établit bien cette version du héros, en perdant peu de temps à ressasser ses origines pour préférer parler de personnalité. Parker est un héros geek qui diffère de ce qui existait jusqu’ici (à choisir Ant-Man en était le plus proche), réglant par exemple un problème déterminant lors du combat en faisant la référence… avec un autre film désormais lié à Disney. Inversement si Peter est convainquant quelques mouvements (assez fidèles au tisseur de toile qu’on connait) reste encore dans le registre du pantin 3D). Au bout du compte, peut-être que Spider-Man est un peu ce que Quicksilver était à Days of Future Past, c’est à dire qu’une fois passé son temps d’exposition, le scénario préfère se concentrer sur les Avengers et personnages proches. Clairement, Marvel préfère garder quelques cartouches de toiles en prévision du film coproduit avec Sony.
Ce qui est important, c’est que les motivations de chacun sont établies. Au pire certains personnages secondaires raisonnent par amitié plus que par philosophie mais on sait pourquoi les gens agissent ou se répartissent de chaque bordure du clivage (sauf peut-être Ant Man mais enfin bon, cela cadre bien avec le côté paumé du personnage). A ce titre, le scénario donne des arguments aux uns et aux autres, avec leurs bons points mais aussi leur degré d’hypocrisie. Dans le Civil War des comics, Tony Stark partait assez vite en mode « état policier » avec un Captain America qui avait de manière plus évidente le beau rôle. Il s’agissait pour lui de défendre les libertés individuelles. Ici, ce n’est pas le cas, ou tout au moins pas de la même manière. Les vrais noms de l’essentiel des personnages sont connus du public (Steve Rogers, Sam Wilson…) mais il s’agit bien de s’avoir s’il faut plier ou pas, sur fond de « petits arrangements ». Les uns et les autres se mentent et, à un moment du film, il n’est pas si évident que ça (en dehors de l’affection que l’on peut avoir pour certains personnages) de déterminer quel camp est le plus responsable. S’il y a un point commun avec Batman v Superman, c’est dans l’omniprésence de la référence parentale. Rassurez-vous, pas « d’instant Martha » en vue. Mais Iron Man est un personnage hanté par la mort de ses parents, tout comme Black Panther ou encore le vrai méchant du film en un sens. Mais ce n’est très certainement pas « parlons de nos mamans et nous serons tous amis », ici ce serait plutôt, bien au contraire, le moteur qui va pousser les choses au prochain niveau des hostilités, y compris à un moment où l’on pensait tout ce beau monde bien parti pour s’entendre…
Le Docteur Zemo (Daniel Brühl) est un personnage assez différent ce que l’on connait dans les comics. En fait son côté manipulateur le rend bien plus proche d’un Docteur Faustus. Le fait est que Faustus avait déjà été utilisé dans cet univers (dans la série TV Agent Carter) et que ce Zemo remodelé est donc plutôt une figure de remplacement. Au demeurant, Daniel Brühl est un peu l’anti-Black Panther a plus d’un titre : il n’en impose pas. Mais on comprendra au fil du film que c’est aussi une chose qui lui permet de déjouer la méfiance des héros et des spectateurs. C’est-à-dire que jusque vers la fin on ne prend pas la mesure de son plan réel. Et finalement il en sort grandi dans sa dangerosité. Avec ses airs de ne pas y toucher, Zemo réalise finalement plus de chose qu’un Ultron, qu’un Malekith ou qu’un Ronan. Vous me direz que ce n’est pas difficile (vous n’aurez pas tort) mais voilà un personnage qui n’a peut-être pas fini de faire parler de lui. Dans la catégorie « personnage qui porte un nom et un visage connu mais qui en fait en remplace un autre », on comprendra que Thunderbolt Ross, qui représente ici l’autorité, n’est qu’un remplaçant au pied levé d’un Samuel Jackson qui ne sera pas libéré pour l’occasion (en gros, dans toutes les scènes où Ross apparaît, cela pourrait aussi bien être Nick Fury). Plus surprenant, Everett Ross n’est plus du tout lié à la garde de Black Panther (en tout cas pour l’instant) et n’est pas le personnage fébrile des comics. L’Agent 13 prend, elle, considérablement du galon, passant du rang de jeune fille qui surveillait Rogers de l’autre côté du couloir à celui d’alliée fiable et compétente. C’est d’ailleurs à souligner. Entre une Black Widow qui a déjà fait ses preuves, une Scarlet Witch qui monte en puissance au même titre que l’Agent 13, on est quand même loin du cliché de la damoiselle qu’il va falloir sauver à longueur de film.
Captain America: The Winter Soldier avait l’avantage d’avoir un sous-texte politique. Cette fois c’est moins le cas. On n’est plus dans l’idéologie mais dans une forme d’affrontement philosophique centré sur les héros et pas sur le système. En un sens d’ailleurs c’est plus un message à la Dark Knight Returns, avec Iron Man qui serait le bras armé du gouvernement tandis que Cap en lieu et place du chevalier noir s’enfonce dans la clandestinité. Au final, le film des frères Russo joue le rôle d’un accélérateur de particules. Non seulement les protagonistes sont sur le pont et vont trouver le moyen de se distinguer, mais les jouets, à la fin, sont loin d’être remis dans le même ordre où les cinéastes les avaient trouvés deux heures et demi plus tôt. Les Avengers des Russo ne sont plus ceux de Whedon. Pour plus de la moitié des héros, Civil War marque un virage, un changement plus ou moins brutal dans leur destinée. Certains en ressortent comme des vétérans marqués pas les évènements, d’autres sont hors-jeu et puis il y a les pistes lancées en prévision de Spider-Man: Homecoming, de Black Panther et des prochains films Avengers. Captain America: Civil War change les règles et les interactions pour la majeure partie de la communauté super-héroïque Marvel. Dans quelques jours, quelques heures les uns et les autres se lanceront dans le jeu de la comparaison des chiffres entre « CA:CW » et « BvS », sur le jeu des anti-Marvel contre les anti-DC. Et puis on nous dira que tous les films Marvel se ressemblent, que Groot c’est la même chose que Black Widow… Mais avant de se résumer à ces chamailleries plus ou moins étayées, Civil War efface les aléas d’Age of Ultron pour recentrer le débat, montrant au passage comment on gère tant de héros à l’écran sans se prendre les pieds dans le tapis, ce qui donne plutôt confiance pour le schéma directeur allant jusqu’à Infinity War.
[Xavier Fournier]
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