Avec plus de vingts films et dix ans de production, les Marvel Studios n’avaient pas encore mis en tête d’affiche une super-héroïne. DC/Warner les ont pris de court avec le film Wonder Woman, et le succès qu’on lui connaît. Captain Marvel pourra-t-elle rivaliser avec la concurrence et devenir le prochain porte-drapeau du MCU ? Dès les premières minutes de ce nouveau film, on réalise que le cahier des charges est tout autre. Il s’agit certes d’installer une nouvelle héroïne mais aussi de nous raconter le passé et en un sens les origines de l’univers cinématique Marvel.
Le premier véritable film des Studios Marvel depuis la disparition de Stan Lee (Spider-Man: Into The Spider-Verse émanant de Sony) accorde fort logiquement l’hommage qui convenait à l’ancien responsable éditorial de Marvel Comics. Non seulement il est bien là à travers une caméo tournée avant sa mort mais les studios ont trouvé la bonne manière d’honorer Lee dès les premières minutes. Ouvrez bien les yeux, il n’est d’ailleurs pas le seul scénariste du personnage à faire une petite apparition dans ce film. Passé cet exercice de style on enchaine avec tout autre chose : présenter la femme la plus puissante de l’univers Marvel en nous expliquant que, si elle est restée invisible jusqu’ici elle est pourtant bien la pierre fondatrice de beaucoup de choses utilisées ces dernières années. Il est délicat de faire le « pitch » de Captain Marvel sans trop en dévoiler. Tout commence sur Hala, la planète centrale de l’Empire Kree. La jeune Vers (Brie Larson) fait partie d’un commando d’élite Kree, mené par Yon-Rogg (Jude Law). Ils ont pour mission de débusquer un groupe de terroristes Skrulls, une race d’aliens qui peut prendre l’apparence de ce qu’ils croisent. Lors d’une attaque, Vers se retrouve prisonnière des extraterrestres à la peau verte. Elle va découvrir que son passé renferme des secrets qui pourraient bouleverser le futur de l’univers. Comme pour Ant-Man ou Doctor Strange, Captain Marvel doit expliquer à des néophytes qui est cette héroïne qui cumule au mieux 120 épisodes de sa propre série de comics sur plus de 50 ans. Les scénaristes ont la bonne idée de lancer toute de suite les choses en présentant « Vers » comme un être doté de pouvoirs dès le départ. Comme les spectateurs, elle va apprendre tout au long du film d’où elle vient et, comme elle, on passe les deux heures de film en haleine de la vérité. Ses origines sont d’ailleurs assez éloignées de ce qui avait écrit dans Ms Marvel #1 en 1977 ou plus récemment dans The Life Of Captain Marvel. Les fans de la première heure pourront eux-aussi essayer de deviner ce qu’il se cache dans ses souvenirs enfouis dans la psyché de Captain Marvel. Brie Larson s’approprie dès les premières minutes le personnage. Pas aussi hilarante qu’un Robert Downey Jr ou Paul Rudd, elle est néanmoins pas si sérieuse qu’on aurait pu l’imaginer.
Si beaucoup de choses en apparence semblent reposer sur les seules épaules de la nouvelle héroïne Marvel à l’écran, la dynamique du film révèle bien vite pouvoir compter sur différents piliers. Il y a donc d’une part les Kree et les Skrulls, chacun étant capable de réagir de manière différente à la culture terrienne. Et puis il y a aussi le tandem formé par Carol Danvers et son allié de fortune Nick… pardon, Fury tout court. Samuel Jackson, un peu plus plus « neuf », un peu moins expérimenté, fait ses premières armes au S.H.I.E.L.D. et découvre, en vrac, l’existence d’êtres surhumains et de différentes cultures extra-terrestres. Larson a beau occuper le rôle central; Jackson s’active et donne du caractère à l’ensemble. Il n’est pas le seul atout venant se greffer sur le film, qui prend une importance chronologique à mesure qu’on avance dans les scènes. On reconnaît quelques visages parmi les Kree, déjà aperçus dans Guardians of the Galaxy mais à un moment antérieur de leur vie. On comprend comment et pourquoi Fury s’est préparé contre les pires menaces et ce qui l’a ammené à prendre ensuite certaines décisions. De fait, Captain Marvel, le film, c’est une sorte de « numéro zéro », un « Rogue One » qui viendrait se placer chronologiquement avant une partie des films « présents » de l’univers Marvel, justifiant un certain nombre de choses et, en toile de fond, préparant déjà l’avenir.
L’intrigue se passe en 1995. Si par le passé, Marvel a joué avec des époques marquées (comme les Gardiens et ses musiques rétro), la « vibe » des années 1990 est présente par petites touches et non surexposée. Musique, références technologiques, tout y est pour faire sourire les spectateurs de plus de 30 ans. Pour les autres, trop jeunes pour avoir connus les vidéos clubs et les modems 56k, ils passeront à côté de ces blagues mais ne se sentiront pas exclus pour autant. Plus clivante peut-être est la répartition des différents Captain Marvel. En effet, celle du grand écran de Marvel est une sorte de fusion des différentes incarnations des comics. A l’évidence le noyau dur repose sur Carol Danvers, avec quelques allusions à Mar-Vell qui égareront les puristes mais aussi des éléments empruntés à l’origine de Monica Rambeau. Un peu à la manière de ce qui avait été fait pour Star-Lord (dont les origines dans les comics étaient parfois contradictoires), il y a de quoi, ici, laisser assez de marge et de capacité d’inventaires aux scénaristes du film. Cela ne ressemble pas à une origine de Carol que nous avons pu voir dans les comics mais au bout du compte l’essence du personnage est préservé. Sa détermination est contagieuse, alors qu’elle pousse d’autres personnages autour d’elle à se dépasser (et, inversement, quelques ennemis en seront quitte pour fuir la queue entre les jambes). Sans prétendre être du Kubrick, Captain Marvel réussi son entrée dans l’univers Marvel et dégage déjà quelques perspectives liées à Avengers: Endgame.
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