Ce lundi la série télévisée Gotham démarre aux USA. Et avec 24h de décallage elle arrive sur MyTF1VOD en version originale sous-titrée. Du coup la branche vidéo à la demande de TF1 organisait ce soir (avec la complicité d’Urban Comics) une avant-première, nous permettant de découvrir les mésaventures d’un jeume James Gordon (Ben McKenzie) débutant dans la police de Gotham, où il est à peu près le seul élément honnête. Sa première mission ? Résoudre le crime d’une certaine famille Wayne… Qu’attendre d’une Gotham privée de Batman ? Sans doute qu’elle se montre dans toute sa noirceur, qu’on comprenne pourquoi il y aura besoin, un jour, d’un justicier masqué pour y mettre de l’ordre. Gotham, la série télévisée n’est cependant pas un Smallville adapté à l’univers de Batman. La famille Wayne y joue un rôle essentiel. Mais c’est celui d’un déclencheur. En ouverture d’épisode Thomas Wayne et son épouse sont tués en pleine rue devant leur enfant prostré, dans une évocation assez formelle d’une des couverture de Batman Year One, oui. Mais Bruce Wayne passe assez vite en retrait.
La vraie star, ici, c’est Jim Gordon, un bon flic dans tous les sens du terme… mais qui a le tort d’être droit, idéaliste et inflexible dans une cité corrompue jusqu’à la moëlle. Le symbole du laisser-aller c’est Harvey Bullock. L’acteur Donal Logue est véritablement taillé pour ce rôle. En 2008, le voyant débarquer dans la série Life, je m’étais dis « voilà un gars qui devrait jouer Bullock »… Et la chose se concrétise plutôt bien. En un sens Bullock/Logue (Bullogue ?) tient ce premier épisode à bout de bras. Il picole. Il ment. Il fait tout les compromis. Dans la dynamique qui s’installe avec Gordon, il y a un côté « Training Day », avec Bullock qui remplacerait Denzel Washington. Mais Gordon est un peu comme le clown blanc et Bullock comme l’Auguste. Le flic ripoux apporte de la texture, de la couleur, là où Gordon serait un peu fadasse si on le laissait à lui-même.
La promo du feuilleton avait mis l’accent sur les alter-ego jeunes des futures célébrités de Gotham et de ce côté-là on n’est pas déçu puisque dès les premières minutes on fait la connaissance de l’adolescente Selina Kyle et que, dans la foulée, on croisera aussi bien des personnages faisant référence à Poison Ivy, au Pingouin et à d’autres. On peut cependant se demander comment ce mécanisme peut fonctionner sur le moyen ou long temps, sachant que cela ressemble par endroit à une forme de « placement de produit ». Toc. On frappe et la charmante petite fille qui ouvre est, bien sûr, une future adversaire de Batman. Mais la devinette a un intérêt limité si on ne justifie pas autrement la chose. Pour exemple la future Catwoman, qui fonctionne bien au début de l’épisode (il faut dire que Camren Bicondova a un visage léonin qui convient à merveille)… mais qui vire au gadget plus tard, quand on se rend compte qu’on nous la place en haut de murs où elle n’a visiblement rien à faire, si ce n’est que nous rappeller, attention, que la moitié de la distribution va vers un autre destin. Si vraiment la production entend maintenir cette cadence de « guests » dans les épisodes, le risque est que, rapidement, le moindre livreur de Pizza deviendra une allusion à tel adversaire de Batman. Et, inversement, dans ceux déjà-là, il en est certains dont on se demande comment on va maintenir l’intérêt sur le long terme. Marylin Mans… euh pardon, le Pingouin (Robin Taylor), n’est pas de cette trempe là. Au contraire Gotham pourrait être aussi son origin story. En un sens il est le reflet de Gordon. Il est l’autre type en formation dans ce show. Mais Ivy ? Je doutes que ce soit intéressant de la voir arroser des fleurs pour la 36ème fois. Pour donner plus de suspens, les auteurs prennent la peine d’introduire du sang neuf, dont le destin n’est pas écrit, en la personne de Fish Mooney (Jada Pinkett Smith). Elle aussi, comme Bullock, épice un peu tout ça.
Qui est Gordon ? Par moment le show ne sait pas trancher (ou, tout simplement, ne veut pas trop en montrer à ce stade). Il y a quelques contradictions. Dans certaines scènes on nous donne l’impression qu’il débarque totalement à Gotham, qu’il n’y a guère que lui qui ne sait pas comment les choses s’y passent. Et dans d’autres passages, au contraire, on nous montre bien que sa famille a un passé, des attaches dans cette ville. Ben McKenzie s’en tire en restant en retrait, en ne s’impliquant pas trop, en ne jouant guère que sur le registre de la lassitude. Pour être honnête, Gordon n’est pas le seul flic honnête de la ville. Enfin à priori. Mais c’est une bonne trouvaille de faire que des policiers tels que Renee Montoya (superbement incarnée par Victoria Cartagena) et Crispus Allen (Andrew Stewart-Jones, qu’on a moins l’occasion d’évaluer) se méfient du partenaire de Bullock. Outre la question de la nature et du caractère de Gordon, les scénaristes vont également devoir résoudre une autre énigme : Qui est le spectacteur du show ? D’un côté on a quelque chose qui lorgnerait presque sur une mentalité à la Sin City, où même les meilleures intentions du monde mènent à des catastrophes. Ce serait donc plutôt une série assez dark… mais le même temps le jeu des références (devinez si le mec du fond n’est pas quelqu’un aperçu dans Detective Comics #457) vient un peu bousculer tout ça avec un côté « ludique » pas tout à fait géré. D’un autre côté, c’est le premier épisode et il est évident que, comme dans d’autres séries il reste des choses à régler. Pour l’instant le côté flashback permanent est assez bien géré. Gotham a un côté intemporel et, si vous regardez-bien, le téléphone portable de Gordon, sans tomber dans le radio-téléphone, n’est pas un modèle dernier cri. On nous montre que celà se passe il y a quelques années sans se vautrer dans un rétro trop criard ou compliqué à gérer. Je reste curieux de voir comment Bruce Wayne (David Mazouz, qui a un peu grandi depuis Touch) et Alfred (un Sean Pertwee qui joue sur le côté ex-militaire du domestique) peuvent être intégrés dans les enquêtes à venir sans que cela fasse trop. Gotham commence avec des zones d’ombres. C’est logique. L’avenir proche nous dira si elles sont bien gérées ou pas. En tout cas pour l’instant la série intrigue et on a envie d’en voir plus.
[Xavier Fournier]
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