Dans une réalité alternative, l’une des Tours Jumelles ne s’est pas effondrée des suites des attentas du 11 septembre 2001. Le second crash a été empêché par l’intervention d’un individu ayant la capacité exceptionnelle de commander aux appareils. Cet homme, c’est Mitchell Hundred. Celui-ci a été victime d’un accident dans des circonstances étranges, durant lequel il a hérité de cette habilité hors du commun. Entouré d’acolytes très dévoués, il décide de faire le bien, et choisi d’œuvrer sous l’identité de la Grande Machine. Mais après les attentats, le visage de l’Amérique s’est transformé et c’est dans le costume d’un politicien que Mitchell entend faire bouger les choses. L’ancien super-héros vient d’ailleurs de remporter les élections à la mairie de New York, et n’a guère le temps de fêter son triomphe. Les tensions sociales sont fortes, la ville est paralysée par des intempéries d’une rare intensité, celle-ci est au bord de l’explosion. Notre homme doit acquérir les subtilités de la fonction au plus vite, sous peine d’être dépassé. Son expérience de héros lui sera-elle utile pour mener à bien son mandat ?
La Grande Machine a sauvé de nombreuses vies au cours de ses années à arpenter le ciel de la métropole. Mais celle-ci a aussi commis des erreurs, selon des informations qui nous sont rapportées au fur et à mesure du récit, alors que les flashbacks se succèdent, que le puzzle de l’intrigue se mets en place. Le passé du héros et les épreuves qu’il a traversé trouvent une résonnance toute particulière dans le présent du nouveau maire. À ce stade, nous sommes encore loin de connaitre les tenants et les aboutissants de l’histoire, mais il est clair qu’à mesure que Mitchell gère les priorités dans son agenda, les difficultés s’amoncellent et la tension augmente. Il parait être amené à vérifier que le pouvoir isole, qu’il attire les convoitises. Faut-il craindre le pire alors que l’on a confié un grand pouvoir à un individu doté de capacités exceptionnelles ? Le pouvoir pourrait avoir un effet néfaste sur le principal intéressé, si celui-ci ne parvient pas à gérer l’insoutenable pression qui est indissociable de sa fonction.
Tantôt thriller, tantôt récit de super-héros, le tout dans un cadre de politique fiction, Ex Machina se montre puissant et convaincant à bien des égards. Ce qui est le plus appréciable, au-delà de l’intelligence scénaristique de Vaughan qui n’est plus à démontrer, c’est l’excellence de ses dialogues. Le traitement de l’humour, la légèreté et la musicalité des échanges sont tout à fait caractéristique du scénariste. Des éléments que l’on retrouve avec délectation aussi bien dans Y : le dernier homme que dans le récent Saga. L’ultra réalisme et le sens du détail du trait de Tony Harris colle de surcroit parfaitement à ce type de récit, à cette forme de réalité alternative, si proche de la nôtre. Une série de haut vol, dont les deux premières parties sont compilées dans ce volume conséquent. À conseiller absolument à quiconque aurait manqué sa première publication.
[Anne-Sophie Peyret]
Ex Machina vol. 1, par Brian K. Vaughan (scénario) et Tony Harris (dessin), Urban Comics, octobre 2013, 288 p.
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