Richard Corben entouré de pléthore d’artiste talentueux a produit dans les années 70 pour la célèbre revue de Warren Publishing de courtes histoires d’horreur à la tonalité diverse, tantôt graves, tantôt caustiques et tantôt carrément désopilantes. Ces numéros sont repris ici par ordre chronologique, les scénarios sont de Corben et d’autres auteurs de premier ordre comme Steve Skeates, et Doug Moench. Certains récits nous apparaissent aujourd’hui un peu datés, d’autres qualitativement inégaux, pourtant l’ensemble demeure d’une efficacité et d’une cohérence redoutable. Les intrigues ont pour protagonistes certains archétypes du genre comme les loups garous, les momies, les monstres de tout poils ou encore les démons. Un bestiaire admirablement mis en scène dans des récits percutants, aux dialogues parfois burlesques flirtant avec le vaudeville.
Richard Corben est avant tout un talentueux essayiste, un expérimentateur de style créatif, sans cesse dans la recherche, il n’a de norme que celles qu’il se fixe. Il pousse sans pareil l’expérimentation technique, tandis qu’il s’inspire, se réfère et mets en scène notamment les œuvres de Lovecraft, d’Edgar Allan Poe, ou encore de Mary Shelley et d’autres pontes de la littérature horrifiques dans ses propres récits. Un foisonnement créatif singulier qui caractérise une œuvre unique, et qui prend donc pourtant sa source dans des classiques familiers de tout un chacun. Des inspirations qui le conduisent à plusieurs reprises sur le terrain de la science-fiction avec lequel son style fonctionne parfaitement.
Cet ouvrage est pré et postfacé par José Villarrubia (The Mirror of Love avec Allan Moore). Celui-ci revient à la fois sur l’évolution du style de l’artiste au gré des numéros, et met surtout en exergue un certain nombre d’éléments récurrents dans l’œuvre de Corben. Il insiste aussi sur les personnages récurrents qui semblent l’accompagner, comme les loups garous, et sur les thèmes qui lui sont chers comme les difficultés d’une enfance torturée. Des champs d’expression grâce auxquels l’artiste aborde avec brio certaines questions de société contemporaine. Dans la préface Villarrubia souligne la maitrise technique du dessinateur, son trait si reconnaissable, avec ses visages tortueux, anguleux. Il expose aussi l’étonnante complexité de l’encrage et la réelle plus value d’une colorisation qui trouve ici ses lettres de noblesse, et n’a plus rien d’accessoire. À l’arrivée, un ouvrage hétéroclite, pluriel, parfois carrément étonnant où chacun devrait trouver un intérêt.
[Anne-Sophie Peyret]
Eerie & Creepy présentent Richard Corben vol., par Steve Skeates, Doug Moench, Greg Potter, Richard Corben (scénario) et Richard Corben (dessin), Delirium, novembre 2013, 178 p.
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