Il y a plus de 1500 ans, le bien-nommé M. Terror (« Shreck », en allemand) a été maudit. Pillard sans vergogne, ce Vandale participa au sac de Rome (455), et devint immortel en tuant une créature tentaculaire envoyée en représailles par les sorciers de l’Empire. Avec les premiers lambeaux de chair qui se détachaient de sa trogne, il fut chassé de son clan et son corps commença littéralement à se décomposer. Pour survivre, il dut bientôt récupérer des membres de substitution sur des animaux vivants…
Plusieurs siècles passèrent, lorsqu’un jour son destin le conduisit sur la route de Draghignazzo, seigneur des chevaliers noirs alors dominateurs sur l’ensemble de l’Europe. L’homme sans mort devint son loyal écuyer, son plus fidèle soldat. Il devint aussi l’amant de la reine, Talita, à la disparition du leader. Mais la longue pénitence de Terror ne faisait que commencer, puisque la belle devait bien vite mourir dans une embuscade fomentée par des vassaux dépossédés de leurs terres. Animé par son instinct de vengeance, pleurant et étreignant sa douce, le chevalier immortel prit un bras et une jambe à la défunte, les greffa sur son propre corps grisâtre et batailla autant qu’il le put pour s’extirper du bourbier. Un bras, voilà donc ce qu’il restait de Talita. Mais limité par le temps, Terror le maudit ne put se résigner à perdre encore le dernier signe de cet amour. L’intervention d’une sorcière des basses terres lui permit alors de sceller irrémédiablement son corps en état de décomposition permanente à cette relique d’une humanité disparue.
Los Angeles, 2007. Le tonique M. Terror traine désormais sa carcasse en toute « classitude », a fondé sa petite entreprise de liquidation expresse, et vend sa gâchette au plus offrant. Question santé, ce cadavre exquis reste demandeur de toutes les greffes possibles. Au menu de la prochaine mission, un contrat chez des huiles du renseignement nord-américain… Terror va vite comprendre qu’il est tombé dans un traquenard…
Niveau scénario, le rythme est bien tenu tout au long des cinq épisodes, avec une mention spéciale pour les premières pages. Alors original, le synopsis ? Ça reste à voir, mais là n’est finalement pas l’essentiel. Ces aventures improbables du mercenaire cadavérique présentent l’immense avantage de donner un background modernisé à un personnage resté longtemps dans les limbes du catalogue Marvel. Comme David Lapham pouvait le dire en préface de ce volume, ce relatif anonymat autour du personnage est probablement à l’origine du degré de liberté assez étonnant dont a pu jouir l’auteur. Et on se dit que Joe Quesada a bien fait les choses en dotant la Maison des Idées de ce label « Max »…
Prudence, qu’on s’entende bien : cette bande dessinée est strictement réservée à un public averti. Prise au premier degré, elle pourrait déranger pas mal de monde, tant il est vrai que les gerbes de sang, les membres découpés, et les corps en putréfaction y abondent – sans tomber toutefois dans le registre du « discutable ». Pourtant, assez étonnamment, et sans être un fanatique du gore – bien au contraire même – on se surprend rapidement à dévorer les pages aussi furieusement que s’abat la misère sur le monde. Dernier atout, et non des moindres, la qualité de la traduction est excellente. Amis majeurs, amis rieurs, foncez. Vous ne verrez plus jamais les grenouilles de la même manière.
[Nicolas Lambret]« Terror Inc. – Plan de démembrement », par David Lapham (scénario) et Patrick Zircher (dessin), Panini Comics, Coll. Panini Dark Side, octobre 2009, 100 p.
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