La mini-série « Royal Space Force », née en 2001 de l’esprit de Warren Ellis (chez Image Comics), pourrait elle aussi être dédiée aux héros et aux technologies qui ont su, en leur temps, faire briller les yeux de générations entières. Autant de séquences spatiales auxquelles nous devons une part importante de notre imaginaire collectif, cet imaginaire « métallique » capable de se muer en force constructive lorsqu’il s’agit d’inventer l’avenir des populations. Que sommes-nous devenus ? Qu’avons-nous fait de nos rêves d’espace ? Tout en centrant son histoire sur le pays de ses attaches, l’Angleterre, Warren Ellis nous met le nez dans la médiocrité de ce début de troisième millénaire. Il évoque le souffle épique que l’Angleterre a perdu au cours des années 1950. Il rend aussi hommage à un héros de science-fiction important de sa jeunesse, « Dan Dare », pilote de l’« Interplanet Space Fleet », créé en 1950 par Frank Hampson.
Alors que la Seconde Guerre mondiale touche à sa fin, l’officier anglais John Dashwood saisit l’opportunité unique qui se présente à lui : il parvient à récupérer le professeur Wernher Von Braun avant que les Américains ne lancent l’opération « Paperclip » et n’exfiltrent les scientifiques du régime national-socialiste. Mettre la main sur les concepteurs des bombes V2 pour mieux regarder vers les étoiles, voilà l’objectif d’un homme qui parviendra alors à convaincre le Premier ministre Winston Churchill, de signer l’acte de naissance du « Ministry of Space » britannique. Stimulée par la réussite des premières campagnes spatiales, l’Angleterre retrouve alors rapidement l’envergure et l’avantage technologique dont elle pouvait se prévaloir avant l’étiolement de son empire. A l’image de toute une industrie, et poussées par ces investissements exceptionnels, des entreprises telles que Rover et Rolls-Royce deviendront dès lors de grands noms de l’aéronautique mondiale. Le premier homme à marcher sur la Lune sera anglais, tout comme les premiers explorateurs de Mars… Mais ces réussites éclatantes ont un prix. Cinquante ans plus tard, en 2001, il est d’ailleurs question de régler l’addition…
Parallèlement à cette question transverse – de dimension relativement politique et morale, il est important de rappeler que l’album conserve une fraîcheur sans doute insufflée par les souvenirs de comic-books lus par l’auteur durant sa jeunesse. Le design des navettes, l’omniprésence des codes institutionnels britanniques, tout concourt à nous donner l’illusion d’une aventure imaginée durant les années 1950 ou 1960. Cette vision « what if » du deuxième XXe siècle nous emporte sans difficulté. Habillé d’une esthétique classique, ce titre s’appuie sur des décors réalistes très finement dessinés. Une nouvelle fois, l’école anglaise distinguée notamment par les travaux de Dave Gibbons, Brian Bolland ou Alan Davis, nous offre un virtuose de plus en la personne de Chris Weston (« 2000 AD »), dont le trait particulièrement appliqué s’accorde avec la crédibilité du scénario.
« Royal Space Force », par Warren Ellis (scénario) et Chris Weston (dessin), Editions Delcourt, Coll. Contrebande, mars 2011, 80 p.
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