C’est ce mois-ci que Netflix révèle la première saison d’Umbrella Academy, série télévisée directement inspirée du génial comic-book de Gerad Way et Gabriel Bà. Une déconstruction totalement barrée du super-héroïsme qui transpose beaucoup de choses (mais pas tout) de la BD d’origine parue chez Dark Horse (et en France chez Delcourt), avec un casting riche, qui va d’Ellen Page à Mary J. Bligeet sous la houlette de Steve Blackman, l’un des producteurs de Fargo, Legion et Altered Carbon…
A l’aube des années 90, plusieurs dizaines d’enfants surdoués, doués pour la plupart de pouvoirs miraculeux, sont né à travers le monde. Le richissime savant/aventurier Reginald Hargreeves en a adopté autant qu’il le pouvait. Sept d’entre eux ont donc été élevés au sein de l’Umbrella Academy du milliardaire, encadrés par une nounou-maman androïde et Pogo, un singe intelligent. Six des enfants sont devenus de véritables stars, des enfants super-héros (pensez à quelque chose entre les X-Men et la Doom Patrol). La septième, Vanya (Ellen Page) n’ayant pas de pouvoir est un peu restée à la remorque de la famille, son seul talent apparent étant de jouer du violon. Mais pouvoir ou pas, une enfance comme ça, ça vous ruine une vie. Sans parler de ceux qui ne sont plus là. L’un d’entre eux est mort au combat. Et l’énigmatique « Numéro 5 » a tout bonnement disparu un jour où il expérimentait sur ses pouvoirs. Des années plus tard, alors qu’ils sont devenus adultes et qu’ils ont tous quitté l’Umbrella Academy, les cinq survivants sont rappelés à la maison : Hargreeves vient de mourir et il leur faut assister aux obsèques. Le souvenir de ce père tyrannique fait ressortir les ressentis, entre ceux qui regrettent d’être parti et ceux qui, hélas, ont cru en Hargreeves jusqu’à la fin. C’est à ce moment-là que Numéro 5 revient, en apparence toujours âgé de 13 ans. Il les prévient d’un danger imminent : dans quelques jours c’est la fin du monde ! Il faut que les membres de l’Umbrella Academy apprennent à nouveau à vivre et à travailler ensemble. Mais avec leurs différents tempéraments, ce n’est pas gagné.
Une des forces du comic-book d’origine, c’était le côté baroque que lui apportait le dessinateur Gabriel Bà. Disons-le tout de suite, si la série TV n’est pas sans moment de folie (un tandem d’assassins munis de cagoules gonflables qui les fait ressembler à des échappés de Pifou) et si elle se permet beaucoup de choses, elle reste en deçà de la BD. Ici, pas de Tour Eiffel qui décolle dans l’espace. Pas de costume de super-héros pour les personnages adultes. Steve Blackman et Jeremy Slater, qui ont écrit le show, ont préféré faire bouger un peu le curseur. Au lieu d’avoir des super-héros adultes totalement déréglés par leur enfance, on a essentiellement des anciens super-héros, qui n’utilisent plus de cape ou même de noms de code. Seuls deux frères sont encore en action : le colossal Luther (Tom Hopper, vu dans Game of Thrones), un peu le Superman de service, revient de quatre ans de solitude sur la Lune avec un corps difforme (différent, jusque dans l’explication, de ce qu’il est dans les comics). Et Diego, as surhumain du lancer de couteau, est un justicier urbain patrouillant dans les rues en treillis noir, façon vigilante low-cost. Au jeu des neuf erreurs, il est donc apparent que la série TV prend un certain nombre de liberté sur les costumes ou sur certains décors. La menace n’est pas non plus précisément la même (ici, pas d’orchestre déterminé à provoquer la fin du monde en jouant la Suite de l’Apocalypse). Les seuls moments vraiment raccords concernent les flashbacks, les quelques scènes où l’on voit l’enfance de l’Umbrella Academy. Sans doute parce que les costumes de l’académie sont de simples uniformes d’écolier avec un masque. Blackman & Slater semblent avoir voulu éviter le côté super-slip tout en adhérant cependant à ce qui fait le fond du concept.
Qu’on ne s’y trompe pas, malgré cette réserve sur les costumes et quelques détails, l’essentiel est là. Umbrella Academy, c’est un récit post-super-héroïque de situation. On pourrait faire un comparatif (à ce niveau seulement car les deux séries sont assez différentes) avec Legion, qui ne ressemble pas au David Charles Haller des comics autrement que dans les grandes lignes mais arrivent cependant à faire avancer certaines choses dans la même direction. Dans Umbrella Academy, ce qui est intéressant, à la BD comme à l’écran, c’est le dilemme interne, le mal de vivre vécu par les personnages. Ce qui fonctionne, dans les deux versions d’Umbrella Academy, c’est le côté famille dysfonctionnelle alambiqué. Peu importe que le lanceur de couteau ait pour nom de code Kraken dans la BD et qu’il soit simplement Diego à la TV. Il est magistralement servi par l’acteur David Castañeda, qui conserve toutes les valeurs du héros. D’une manière générale le casting fait la force de la série. Robert Sheehan incarne Klaus, le frangin qui à force de voir des morts partout a sombré dans l’alcool et la violence pour essayer d’oublier. Un irresponsable total mais qui, à bien des égards, est le cœur de l’équipe. Aidan Gallagher est un peu à part car il incarne un « Numéro 5 » qui vient du futur mais qui est piégé dans son corps de 13 ans. Du coup voici le jeune acteur obligé de jouer sur un pied d’égalité avec un casting d’adulte. Gallagher fait à lui seul la moitié du boulot, campant un personnage cynique avec une apparence d’enfant (accessoirement, il pourrait aussi bien jouer Kid Apocalypse dans les X-Men tellement il a la gueule du rôle). Rien qu’en additionnant sa performance à celle de Sheehan, on a déjà quelque chose de mémorable.
Cela étant, il faut bien dire que d’autres rôles sont un peu les « clowns blancs » de la série. Luther est un colosse qui ne connait pas sa force, qui peine à manœuvrer… et qui dont ne l’utiliser qu’avec parcimonie, laissant assez peu de champ à Tom Hopper. Ellen Page a l’habitude des écoles de surdoués (puisqu’elle est déjà passé, au cinéma, par le rôle de Kitty Pryde chez les X-Men) mais pendant l’essentiel de la saison Vanya est le garant de la normalité. Page étant sans doute l’actrice la plus connue du lot, on lui reprochera cependant de ne pas monter en puissance au fil du temps et d’alourdir un peu l’évolution de Vanya. Un peu entre les deux, il y a Allison (Emmy Raver-Lampman) dont les pouvoirs n’impliquent pas de gros effets spéciaux (ils sont un peu plus discrets que dans les comics) mais qui les utilise peu pour d’être raison. Son caractère et ses relations avec les autres sont cependant une sorte de plaque tournante dans la série. N’oublions pas le personnage de Grâce (Jordan Claire Robbins) une sculpturale mère-androïde au foyer. Là pour le coup, on a sans doute beaucoup plus de sympathie avec elle que dans les comics, Grâce devenant la seule trace d’amour pour Diego et les autres… Alors qu’elle est incapable d’en ressentir elle-même. Et puis il faut bien dire que si le baroque n’a pas la même dimension que dans les dessins de Bà, il est loin d’être absent de la série. Murs surchargés de tableaux, académie devenant comme une maison de poupée, camionnette de vendeur de glace qui joue la charge des walkyries et bande son assez varié… Rajoutez Mary J. Blige en tueuse à gage caractérielle, flanquée d’un partenaire accro aux donuts ou d’autres personnages secondaires (Kate Walsh fait quelques apparitions dans un rôle à des années-lumière de Grey’s Anatomy ou Private Practice). Tout cela donne à la série un cachet certain.
Les dix épisodes de cette première saison d’Umbrella Academy sont très prenants et rapidement imprévisibles. On se prend d’amitié pour la plupart des personnages. Un peu à la manière d’un Sense8 (mais pas avec le même niveau de réalisation, soyons clairs, comme le prouve une scène où tout le monde est fasciné par le même morceau de musique), on est prêts à suivre Numéro 5, Klaus, Diego et les autres quoiqu’il leur arrive, quand bien même le plus on avance dans les épisodes, le plus on prend de la distance avec le comic-book du départ (en même temps la série repose tellement sur des paradoxes temporels que rien n’empêcherait qu’à un moment on retombe sur la continuité d’origine). Très différent, oui, mais pas pour autant une trahison puisque respectueux des valeurs installées par Gerard Way et Gabriel Bà. L’avantage étant que si le grand public découvre Umbrella Academy via cette série, il pourra aussi, ensuite, se plonger dans la BD et (re)découvrir toute la puissance de ce monde imaginaire. Dans l’état, sans prétendre être la meilleure série TV, c’est à la fois surprenant, marrant et plaisant. Pas de Tour Eiffel qui décolle, certes, mais un certain grain de folie quand même.
[Xavier Fournier]Umbrella Academy, sur Netflix, à partir du 15 février 2019.
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